IV - HISTOIRE
1 Explorateurs européens et premiers colons
2 Pouvoir espagnol et incursions hollandaises
3 Rétablissement du pouvoir portugais
4 Le séjour de la cour du Portugal
A L'Estado Novo
B Le gouvernement Dutra
C Second mandat présidentiel de Vargas
8 Les présidences Kubitschek, Quadros et Goulart
Les premiers habitants de l’actuel Brésil furent les Indiens Arawak
et Caribes, au nord, les Tupí-Guarani, sur la côte est et le bassin
amazonien, les Ge, installés dans les régions orientales et méridionales
du pays, et les Pano, à l’ouest. La plupart de ces tribus étaient
semi-nomades et vivaient de chasse, de cueillette et d’une agriculture
primaire. Les peuples des régions les plus reculées ont conservé
leur mode de vie et leurs traditions jusqu’à nos jours, alors que
leur existence est désormais menacée par l’avancée
du front pionnier à travers la forêt amazonienne.
1 Explorateurs européens et premiers
colons
Le premier explorateur européen fut le navigateur espagnol Vicente Yáñez
Pinzón. Après sa traversée transatlantique, il toucha terre
près du site de l’actuelle Recife, le 26 janvier 1500. Il navigua
ensuite le long de la côte, vers le nord, jusqu’à l’embouchure
du fleuve Orénoque. Cependant, en vertu des décisions du traité
de Tordessillas (1494), qui modifiait la ligne de partage instaurée en
1493 par le pape Alexandre VI pour délimiter les empires portugais et
espagnol, le nouveau territoire fut attribué au Portugal. L’Espagne
ne revendiqua donc pas la découverte de Pinzón. En avril 1500,
le navigateur portugais Pedro Álvares Cabral atteignit lui aussi les
côtes brésiliennes. Il proclama officiellement la région
possession du Portugal. Le territoire fut nommé Terra da Vera Cruz (en
portugais, « Terre de la Vraie Croix »). En 1501, le navigateur
italien Amerigo Vespucci mena une expédition sur ce nouveau territoire
à l’instigation du gouvernement portugais. Au cours de ses explorations,
Vespucci reconnut et baptisa nombre de caps et de baies, dont celle de Rio de
Janeiro. Il revint au Portugal avec du brésillet (bois de Pernambouc
qui fournit une teinture rouge). La Terra da Vera Cruz prit, à partir
de cette date, le nom de Brésil.
En 1530, le roi du Portugal, Jean III le Pieux, entreprit un programme de colonisation
systématique du Brésil. Sa première décision fut
de diviser le territoire en 15 districts, appelés capitaineries, confiés
à perpétuité aux notables de la cour du Portugal, désignés
sous le nom de donatarios, et investis d’immenses pouvoirs sur leurs domaines.
Mais la France, intéressée par ce nouveau territoire, tenta de
s’en emparer. Les fréquentes incursions françaises et la
menace qu’elles constituaient pour cette possession de la Couronne portugaise
incitèrent finalement le roi Jean à révoquer l’essentiel
des pouvoirs des donatarios et à placer le Brésil sous l’autorité
d’un gouverneur général. Le premier, Thomé de Souza,
arrivé au Brésil en 1549, mit sur pied un gouvernement central
dont la capitale fut fixée dans la nouvelle cité de Salvador de
Bahia. Il réforma complètement l’administration et la justice.
Pour protéger le pays de la menace française, il établit
un système de défense côtière. L’importation
de nombreux esclaves africains permit de pallier la pénurie de main-d’œuvre
locale. C’est durant cette période, en 1554 exactement, que fut
fondée au sud du pays la ville de São Paulo.
L’année suivante, en 1555, les Français tentèrent
de s’installer en établissant une colonie sur les rives de la baie
de Rio de Janeiro. En 1560, les Portugais détruisirent cette colonie
et créèrent, en 1567, la cité de Rio de Janeiro.
2 Pouvoir espagnol et incursions hollandaises
En 1580, Philippe II, roi d’Espagne, hérita de la couronne du Portugal.
Cette période d’union des deux royaumes, jusqu’en 1640, fut
marquée par de fréquentes agressions anglaises et hollandaises
contre le Brésil. Ainsi, en 1624, une flotte hollandaise s’empara
de Bahia. Mais l’année suivante, la ville fut reprise par une armée
composée d’Espagnols, de Portugais et d’Indiens. Les Hollandais
reprirent leurs attaques en 1630. À cette occasion, une expédition
subventionnée par la Compagnie hollandaise des Indes occidentales prit
Pernambuco, l’actuelle Recife, et Olinda. Les territoires compris entre
l’île de Maranhão et la zone en aval du São Francisco
tombèrent ainsi aux mains des Hollandais. Sous la compétente autorité
de Jean-Maurice de Nassau-Siegen, la partie du Brésil occupée
par les Hollandais prospéra durant plusieurs années. Mais en 1644,
Nassau-Siegen démissionna pour protester contre l’exploitation
menée par la Compagnie hollandaise des Indes occidentales. Peu après
son départ, les colons portugais, soutenus par le Portugal, redevenu
indépendant de l’Espagne en 1640, se rebellèrent contre
le pouvoir hollandais. En 1654, au bout de dix années de luttes, les
Pays-Bas capitulèrent et, en 1661, ils renoncèrent officiellement
à leurs revendications territoriales sur le Brésil.
3 Rétablissement du pouvoir portugais
En 1640, après la rupture de l’union entre les deux couronnes d’Espagne
et de Portugal, le Brésil repassa donc sous la souveraineté portugaise
et devint une vice-royauté. Espagnols et Portugais vécurent alors
pacifiquement en Amérique du Sud jusqu’en 1680, date d’une
expédition portugaise au sud de la rive orientale du Rio de la Plata
où ils fondèrent une colonie. Ce fut la cause d’une longue
série de troubles qui ne s’acheva véritablement qu’en
1828 avec la création de la république d’Uruguay.
L’expansion brésilienne vers le sud avait été précédée
par une forte pénétration des terres intérieures. Dès
le début du XVIIe siècle, des missionnaires jésuites firent
des incursions en Amazonie. Dans la première moitié du siècle,
des Paulistas (habitants de São Paulo) avaient atteint les terres en
amont du Paraná. Mais ces expéditions n’ayant d’autre
but que d’asservir les Indiens, elles rencontrèrent une vive opposition
de la part des jésuites. Soutenus par la couronne du Portugal dans leur
œuvre protectrice et religieuse, ils finirent par triompher. Par la suite,
bon nombre de Paulistas devinrent prospecteurs et se lancèrent fiévreusement
à la recherche de minerais précieux. En 1693, de riches gisements
aurifères furent découverts dans l’actuelle région
du Minas Gerais. La ruée vers l’or qui s’ensuivit fit venir
des dizaines de milliers de colons portugais au Brésil. La croissance
économique fut accélérée par la découverte
de diamants en 1721 puis, peu après, par l’essor grandissant des
cultures de canne à sucre et de café.
En 1750, le traité de Madrid entre l’Espagne et le Portugal entérina
les revendications brésiliennes sur un vaste territoire à l’ouest
des limites définies autrefois par le traité de Tordesillas. Le
traité de Madrid fut annulé par la suite, mais ses principes furent
repris et appliqués dans le cadre du traité d’Ildefonso
signé en 1777.
Sous le règne du roi Joseph Ier du Portugal, le Brésil connut
de nombreuses réformes à l’instigation du marquis de Pombal,
secrétaire aux Affaires étrangères et à la Guerre
puis Premier ministre. Les esclaves indiens furent affranchis, l’immigration
encouragée et les impôts réduits. Pombal atténua
le poids du monopole royal sur le commerce international de la vice-royauté,
centralisa l’appareil gouvernemental brésilien dont le siège
fut transféré de Bahia à Rio de Janeiro en 1763. Trois
ans auparavant, en 1760, à l’exemple de ce qu’il avait déjà
fait en 1759 au Portugal, Pombal expulsa les jésuites du Brésil.
La raison officielle fut le mécontentement populaire suscité par
l’influence jésuite chez les Indiens et leur poids grandissant
dans l’économie.
4 Le séjour de la cour du Portugal
Les guerres napoléoniennes infléchirent profondément le
cours de l’histoire brésilienne. Dès novembre 1807, Napoléon
traversa avec son armée la frontière hispano-portugaise. Sans
attendre l’arrivée des Français, le prince Jean, régent
du Portugal, et la Cour embarquèrent à Lisbonne à destination
du Brésil. Le gouvernement royal du Portugal fut donc installé
à Rio de Janeiro. Sous l’autorité du régent, des
réformes furent mises en œuvre, dont la suppression des restrictions
commerciales, l’instauration de mesures en faveur de l’agriculture
et de l’industrie, et la création d’établissements
d’enseignement supérieur.
En mars 1816, le prince Jean devint roi du Portugal sous le nom de Jean VI le
Clément. Sa popularité auprès des Brésiliens s’amenuisa
progressivement. La corruption et l’incompétence affectaient le
gouvernement royal. En outre, le sentiment républicain, largement répandu
à travers le pays après la Révolution française,
gagna une audience considérable lorsque les colonies espagnoles voisines
devinrent indépendantes. Dès 1816, Jean VI dut intervenir pour
occuper la région de la Banda Oriental sous le contrôle des révolutionnaires
hispano-américains. L’année suivante, il écrasa un
début de révolution à Pernambuco. En 1821, la Banda Oriental
fut annexé par le Brésil et reçut le nom de province Cisplatine.
La même année, avant de rentrer au Portugal, Jean VI nomma son
deuxième fils, Dom Pedro, régent du Brésil. Mais au Portugal,
une vive opposition s’était formée contre les réformes
entreprises dans la vice-royauté. L’Assemblée portugaise,
les Cortes, vota une série de lois destinées à redonner
au Brésil son ancien statut de colonie. Dom Pedro fut sommé de
rentrer en Europe. En 1822, devant les demandes et l’indignation des Brésiliens,
Dom Pedro annonça son refus de quitter le pays. En juin 1822, il fit
convoquer une Assemblée constituante. En septembre 1822, alors que des
envoyés du Portugal révélaient que les Cortes ne feraient
plus aucune concession aux nationalistes, Dom Pedro proclama l’indépendance
du Brésil. La même année, un vote de la Haute Chambre de
l’Assemblée constituante fit de lui l’empereur du Brésil
sous le nom de Pierre Ier. À la fin de 1823, toutes les troupes portugaises
stationnées au Brésil durent se rendre au nouveau régime.
5 L'Empire brésilien
Régnant en véritable dictateur, Pierre Ier perdit beaucoup de
popularité lors de sa première année au pouvoir. En 1823,
à cause de dissensions avec l’Assemblée constituante, il
décida de la dissoudre et promulgua une nouvelle constitution en mars
1824. L’année suivante, en 1825, l’Argentine soutint une
révolte dans la province Cisplatine. Ce soutien fut considéré
par le Brésil comme une provocation et la guerre fut déclarée
entre les deux pays. Défaits en 1827, les Brésiliens durent accorder,
à l’issue de négociations menées sous la médiation
britannique, l’indépendance à la province Cisplatine et
à l’Uruguay. La fin des années 1820 vit la montée
de l’opposition populaire contre Pierre Ier. En 1831, celui-ci décida
finalement d’abdiquer en faveur de Pierre II, son héritier présomptif
âgé de 5 ans.
Pendant les dix années qui suivirent, le Brésil fut donc soumis
à l’autorité d’une régence marquée par
de fréquents soulèvements et révoltes en province. Vers
la fin de cette décennie se développa un mouvement populaire en
faveur du jeune Pierre II, destiné à le mettre effectivement à
la tête du gouvernement. En juillet 1840, le Parlement brésilien
proclama la majorité de Pierre II qui put donc prendre la tête
de l’État. Il se révéla un des monarques les plus
compétents de son époque. Sous son règne, qui dura près
d’un demi-siècle, les croissances économique et démographique
du pays furent exceptionnelles. La production nationale fut multipliée
par 10 et le pays commença à se doter d’un réseau
ferroviaire. La politique extérieure du gouvernement impérial
était ouvertement hostile aux dictatures voisines. De 1851 à 1852,
le Brésil soutint donc la lutte révolutionnaire qui abattit le
dictateur argentin Juan Manuel de Rosas. De 1865 à 1870, alliée
à l’Argentine et à l’Uruguay, il combattit victorieusement
le Paraguay. En politique intérieure, le problème le plus délicat
était celui de l’abolition de l’esclavage. En 1853, Pierre
II interdit le débarquement d’esclaves noirs. Quelques années
plus tard, une campagne en faveur de l’émancipation fut lancée
à travers tout le pays. À cette époque, le Brésil
comptait 2,5 millions d’esclaves. Les abolitionnistes remportèrent
leur première victoire en 1871, lorsque le Parlement approuva une loi
affranchissant les enfants nés d’une mère esclave. Les esclaves
de plus de 60 ans furent libérés en 1885 et, en mai 1888, tous
les autres esclaves furent affranchis. À la même époque,
un sentiment républicain se développa dans le pays, notamment
en raison des sacrifices endurés lors de la guerre contre le Paraguay.
Ces différents facteurs conduisirent à l’instauration de
la première république.
6 La première république
Instituée sans compensation pour les maîtres, l’abolition
de l’esclavage provoqua la rupture entre les puissants propriétaires
fonciers et le gouvernement. Pierre II devait également affronter l’hostilité
d’une partie du clergé envers sa politique ainsi que l’infidélité
cachée de nombreux officiers et la montée du sentiment républicain
à travers l’opinion publique.
A Fonseca et Peixoto
En novembre 1889, une révolte militaire dirigée par le général
Manuel Deodoro da Fonseca obligea Pierre II à abdiquer. La république
fut alors proclamée sous l’autorité d’un gouvernement
provisoire dirigé par Fonseca. Aussitôt, un certain nombre de réformes
d’inspiration républicaine furent décrétées
dont la séparation de l’Église et de l’État.
La rédaction d’une constitution fut achevée en juin 1890.
Inspirée par la Constitution des États-Unis, elle fut adoptée
en février 1891, faisant du Brésil une République fédérale,
sous le titre officiel d’États-Unis du Brésil. Fonseca fut
le premier président élu. Les débuts de la jeune République
furent marqués par l’agitation politique en raison, notamment,
de l’absence de traditions démocratiques du pays. Dès 1891,
la politique et les méthodes arbitraires de Fonseca soulevèrent
une forte opposition du Congrès. Début novembre 1891, Fonseca
choisit de dissoudre l’Assemblée et d’imposer un pouvoir
dictatorial. Mais, poussé à démissionner par une révolte
de la Marine, il céda le pouvoir à son vice-président,
Floriano Peixoto. Celui-ci établit un gouvernement tout aussi dictatorial
que celui de son prédécesseur. Il survécut néanmoins
à des révoltes de l’armée en 1893 et 1894, ainsi
qu’à une série d’insurrections dans le sud du pays.
Cliquez ici pour l'agrandir (924ko)
B La crise économique
L’ordre ne revint progressivement dans le pays que sous le gouvernement
du premier président de la République civil, Prudente José
de Moraes Barros. Puis, l’arrivée au pouvoir de Manuel Ferraz de
Campos Salles, ancien gouverneur de São Paulo, marqua un nouvel élan
de l’économie brésilienne à partir de 1898. Sous
l’autorité de ce nouveau président, d’énergiques
mesures furent prises pour juguler la crise que traversait alors le Brésil.
Campos Salles parvint notamment à renflouer les caisses de l’État
grâce à un important emprunt à l’étranger.
Cet emprunt, assorti d’importantes garanties de la part du gouvernement
brésilien, permit d’assainir la situation financière du
pays. Le pays vit son commerce et son industrie se développer. En effet,
la production de café et de caoutchouc progressait régulièrement.
Le pays semblait destiné à connaître la prospérité,
mais la chute du cours du café sur le marché international entre
1906 et 1910 créa de graves déséquilibres dans l’économie
brésilienne. La situation se dégrada encore avec la baisse des
prix du caoutchouc. Cette crise fut la cause d’une intense agitation politique
et sociale, en particulier sous la présidence du conservateur promilitaire
Hermes da Fonseca.
Avec la déclaration de la Première Guerre mondiale, l’augmentation
de la demande en café, en caoutchouc et en sucre sur les marchés
internationaux sortit l’économie brésilienne de ses difficultés.
L’année 1914 vit également l’élection, sans
opposition réelle, de l’industriel Wenceslau Braz Pereira Gomes.
Le Brésil resta neutre au cours des premières années du
conflit. Mais les attaques allemandes sur les navires brésiliens tendirent
les relations diplomatiques entre les deux pays à partir d’août
1917. En octobre 1917, le Brésil entra en guerre aux côtés
des Alliés, contre l’Allemagne. Il expédia des navires sur
les zones de combat et contribua à l’effort de guerre par l’envoi
massif de nourritures et de matières premières.
Le retour à la paix ne signifia cependant pas le retour à la tranquillité.
En 1922, l’amorce d’une crise économique obligea le gouvernement
à faire des coupes drastiques dans le budget de l’État.
Le mécontentement général déboucha en juillet 1924
sur une large révolte, dont l’épicentre était à
São Paulo. La révolte fut matée après six mois d’affrontements
par l’armée restée loyale envers le président Artur
da Silva Bernardes, élu en 1922. Pour éviter de nouveaux troubles,
Bernardes décréta la loi martiale qui resta en vigueur jusqu’à
la fin de son mandat. Sous l’administration de son successeur, Washington
Lius Pereira de Souza, la crise économique s’aggrava, causant de
nombreuses grèves et la propagation d’idées révolutionnaires
en matière sociale. En août 1927, le gouvernement décida
l’interdiction des grèves.
7 Le gouvernement Vargas
À l’issue de l’élection présidentielle de mars
1930, Julio Prestes, le candidat progouvernemental, fut déclaré
vainqueur devant Getúlio Vargas. Ce dernier était un homme politique
de premier plan, fervent nationaliste, originaire de l’État de
Rio Grande do Sul. Il disposait du soutien d’une grande majorité
de l’armée et de la classe politique. En octobre 1930, il déclencha
un coup d’État. Après trois semaines de combats, Vargas
fut désigné président provisoire, avec de très larges
pouvoirs.
Dans le but de réduire la crise économique, Vargas entreprit de
diminuer la production de café et d’acheter, afin de les faire
détruire, les excédents stockés. Ces dépenses renforcèrent
les problèmes financiers du gouvernement et le Brésil fut dans
l’incapacité de faire face à sa dette extérieure.
L’année suivante, en 1932, le régime de Vargas réprima
une large rébellion à São Paulo après près
de trois mois de combats intenses. En 1933, Vargas entreprit de doter le pays
d’une nouvelle constitution en convoquant une Assemblée constituante.
Le nouveau texte, adopté en 1934, prévoyait notamment le droit
de vote des femmes, la sécurité sociale pour les travailleurs
et l’élection du président par le Congrès. Le 17
juillet 1934, Vargas fut élu officiellement président.
Au cours de la première année de son mandat constitutionnel, Vargas
rencontra une forte opposition de la part de l’aile gauche du Mouvement
des travailleurs brésiliens. En novembre 1935, des tentatives de révoltes
communistes furent déjouées à Pernambuco et à Rio
de Janeiro. La loi martiale fut instaurée et Vargas gouverna par décrets
présidentiels. Pour réduire la force de l’opposition, de
grandes vagues d’arrestations d’opposants au gouvernement eurent
lieu. Le mécontentement populaire devint particulièrement fort
lorsque le jeune parti pronazi Integralista gagna la faveur d’une large
partie de la classe moyenne du pays. Bientôt toute l’activité
antigouvernementale fut centralisée autour de ce parti. En novembre 1937,
à la veille de l’élection présidentielle, Vargas
fit dissoudre le Congrès et proclama une nouvelle constitution lui conférant
un pouvoir absolu. Il réorganisa le gouvernement et l’administration
du pays à l’exemple des régimes totalitaires italien et
allemand. Les partis politiques furent interdits, la presse et la correspondance
furent soumises à une étroite censure.
A L’Estado Novo
Le gouvernement de Vargas, officiellement désigné par le titre
d’Estado Novo (« l’État nouveau »), devait rester
au pouvoir jusqu’à ce que soit décidée la date d’un
référendum sur de nouvelles lois organiques. Cette date ne fut
en réalité jamais fixée. Vargas obtint l’assentiment
d’une large partie de la population grâce à une série
de décrets assurant plus de prestations sociales aux ouvriers des plantations.
La seule menace sérieuse contre son autorité vint de l’Integralista
dont les partisans organisèrent un soulèvement en 1938. Quelques
heures suffirent à écraser la rébellion.
En dépit du caractère totalitaire de son régime, Vargas
entretenait d’amicales relations avec les démocraties. Son gouvernement
était ouvertement hostile au Troisième Reich, notamment en raison
de l’activité d’espionnage nazie au Brésil. Lorsque
la preuve de la complicité nazie dans la révolte de l’Integralista
fut apportée, Vargas imposa de sévères restrictions aux
ressortissants allemands installés au Brésil. Cette mésentente
conduisit à une rupture temporaire des relations diplomatiques entre
les deux pays en octobre 1938.
La tentative de normalisation des relations fut entravée par le déclenchement
de la Seconde Guerre mondiale. Soutenu par les États-Unis, le régime
de Vargas s’engagea aux côtés des Alliés. La contribution
brésilienne au conflit fut avant tout économique : un vaste programme
d’expansion industrielle permit d’augmenter la production de caoutchouc
et des autres matériels de guerre vitaux. Des bases navales et aériennes
furent construites sur les points stratégiques de la côte brésilienne.
Elles devinrent d’importants centres de la guerre anti-sous-marine pour
les Alliés. Progressivement, la flotte brésilienne se vit confier
la conduite des missions de patrouille dans l’Atlantique Sud. En 1944
et 1945, un corps expéditionnaire brésilien prit part à
la campagne alliée en Italie.
Mais pendant ce temps, les manifestations de mécontentement à
l’égard de Vargas se multipliaient. À la suite d’un
défi lancé en février 1945 par un groupe d’éditeurs,
le gouvernement accepta d’assouplir la censure sur la presse. Le 28 février
1945 fut annoncée la tenue d’élections présidentielle
et législatives. Peu à peu, les principales entraves à
l’activité politique furent levées. En avril 1945, tous
les prisonniers politiques, y compris les communistes, furent amnistiés.
B Le gouvernement Dutra
Pendant la campagne électorale, une série de décrets-lois
impopulaires fit craindre que Vargas ne veuille rétablir la dictature.
En octobre 1945, un coup d’État militaire l’obligea finalement
à démissionner. José Linhares, premier magistrat de la
Cour suprême, fut nommé président provisoire dans l’attente
des élections. Celle-ci eurent lieu en décembre 1945. Elles donnèrent
une large victoire à l’ancien ministre de la guerre, Eurico Gaspar
Dutra. Il entra en fonction en janvier 1946. Les députés nouvellement
élus furent chargés de rédiger la nouvelle constitution,
adoptée en septembre 1946.
Dans le climat de guerre froide qui s’instaura dans les relations internationales
au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le Brésil se rangea au côté
des États-Unis. Au cours de l’été 1947 se tint la
conférence internationale panaméricaine pour le maintien de la
paix et de la sécurité, qui déboucha sur le traité
de Rio. Ratifié par le Brésil dès septembre 1947, il prévoyait
notamment l’union des pays signataires face à toute agression armée
dirigée contre une nation occidentale. En octobre 1947, agacé
par un article d’un magazine soviétique présentant le président
Dutra comme le jouet des États-Unis, le gouvernement brésilien
rompit ses relations diplomatiques avec l’URSS. Quelques mois plus tard,
le Congrès décida de chasser de leur poste tous les communistes
ayant un mandat électoral. La mesure toucha un sénateur et quatorze
députés.
C Second mandat présidentiel
de Vargas
Getúlio Vargas retrouva la présidence du Brésil en janvier
1951 à la suite des élections tenues en octobre précédent.
Il forma un gouvernement de coalition avec les grands partis. Aussitôt
en fonction, ce gouvernement prit des mesures pour équilibrer le budget
de l’État et mettre en place un programme de réduction de
l’inflation, d’augmentation des salaires et d’extension des
réformes sociales. Ces décisions contradictoires n’empêchèrent
pas la croissance de l’inflation. Ces années d’après-guerre
furent également marquées par la recrudescence des activités
clandestines des communistes et la renaissance du nationalisme qui mena à
la nationalisation des gisements pétroliers en septembre 1952. En outre,
l’incohérence des mesures économiques, faussement présentées
comme une politique d’austérité, déclenchèrent
un tollé grandissant dans les milieux conservateurs.
En août 1954, en pleine campagne électorale législative,
un officier de l’armée de l’air trouva la mort dans un attentat
dirigé contre un directeur de presse anti-Vargas. Cette mort amena l’armée
à exiger la démission de Vargas. Le 24 août, Vargas accepta
de laisser provisoirement le pouvoir au vice-président João Café
Filho, avant de se suicider quelques heures plus tard.
8 Les présidences Kubitschek,
Quadros et Goulart
L’ancien gouverneur du Minas Gerais, Juscelino Kubitschek, réunissait
le soutien des partisans de Vargas et des communistes, ce qui lui permit de
remporter l’élection présidentielle d’octobre 1955.
Sitôt sa prise de fonction, en janvier 1956, il annonça un ambitieux
plan quinquennal de développement économique, suivi d’un
emprunt auprès de banques américaines, d’un montant supérieur
à 150 millions de dollars. C’est également à cette
époque que furent approuvés les plans de la future capitale fédérale
: Brasilia. La décision de transférer la capitale de la côte
vers l’intérieur du pays symbolisait la volonté de rééquilibrer
les régions entre elles et de valoriser les régions enclavées.
Le pays connut une intense croissance industrielle. En effet, sous l’impulsion
des autorités, le Brésil commençait à renforcer
son tissu industriel afin d’être moins dépendant des cours
des matières premières. L’idée était de substituer
progressivement aux importations de biens manufacturés des productions
locales. Cependant, ce début de croissance fut tempéré
par la chute des prix mondiaux du café dans la deuxième moitié
des années cinquante, montrant combien le Brésil restait alors
encore soumis aux variations des prix des matières premières.
L’inflation ne ralentissant pas, le mécontentement social donna
lieu à de fréquentes émeutes et grèves des ouvriers
ou des étudiants.
Jânio da Silva Quadros, ancien gouverneur de São Paulo, devint
président du Brésil en janvier 1961. Il entreprit aussitôt
une politique d’austérité économique. Tous les ministres
reçurent l’ordre de réduire les dépenses de leurs
ministères de 30 p. 100 et des fonctionnaires peu qualifiés furent
licenciés. Quadros tenta également d’éliminer la
corruption que l’on disait importante du temps de Kubitschek. Puis, sans
autre explication que l’évocation imprécise de « forces
de la réaction » entravant ses efforts, Quadros démissionna
en août 1961. Son vice-président João Goulart lui succéda.
Mais cette succession ne se fit pas sans difficulté. Les militaires commencèrent
par s’y opposer, accusant Goulart d’avoir de la sympathie pour le
régime castriste cubain. Un compromis fut toutefois trouvé. La
Constitution fut amendée de façon à confisquer la plupart
des pouvoirs exécutifs du Président en faveur du Premier ministre
et du gouvernement, responsables devant le Congrès. Goulart put entrer
en fonction en septembre 1961. Une année plus tard, il provoqua une grave
crise gouvernementale en demandant l’organisation d’un référendum
destiné à évaluer les possibilités de retour à
un régime de type présidentiel. La proposition fut acceptée,
et, en janvier 1963, le Congrès officialisa le résultat par une
loi. Au cours de cette même année, Goulart fit pression sur le
Congrès pour faire approuver un programme de réformes. Dès
le début de 1964, il signa des décrets instaurant le contrôle
des loyers bon marché, la nationalisation des raffineries de pétrole,
l’expropriation des terres non cultivées et la restriction des
transferts de bénéfices à destination de l’étranger.
Au mois de mars 1964, quelques jours après s’être montré
dans un meeting ouvrier, Goulart était renversé par un coup d’État
militaire et devait fuir en Uruguay. Le chef d’état-major de l’armée,
le général Humberto Castelo Branco devenait président de
la République.
9 Les militaires au pouvoir
Les militaires prirent soin, dès le mois d’avril, de rédiger
une nouvelle Loi institutionnelle. Cette loi donnait d’immenses pouvoirs
au nouveau régime et supprimait l’opposition, en particulier des
partis de gauche. Le nouveau pouvoir adopta des versions modérées
des réformes économiques proposées par Goulart et entreprit
de combattre l’inflation notamment par le contrôle des salaires
et le renforcement de la fiscalité. En 1965, une loi réduisit
les libertés civiles, augmenta le pouvoir du gouvernement et confia au
Congrès le soin de désigner le président et le vice-président.
En 1966, l’ancien ministre de la Guerre, le maréchal Artur da Costa
E Silva, candidat du parti gouvernemental l’Arena (parti de la renaissance
nationale), fut désigné président. Le Mouvement démocratique
brésilien, seul parti d’opposition toléré, avait
refusé de présenter un candidat en réaction à la
privation des droits électoraux des adversaires les plus farouches du
gouvernement militaire. L’Arena remporta également les élections
législatives fédérales de 1966. À la tête
d’un gouvernement promilitaire, Costa se préoccupa surtout de la
croissance économique du pays. En décembre 1968, tirant les conséquences
de l’agitation sociale et politique, Costa se donna des pouvoirs illimités
et put ainsi effectuer des purges politiques, des coupes sombres dans l’économie
et imposer la censure. En août 1969, il fut frappé par une attaque
cérébrale. Les militaires choisirent le général
Emilio Garrastazú Médici pour lui succéder, choix approuvé
par le Congrès. Médici choisit d’intensifier la répression
contre l’opposition, ce qui ne manqua pas de la réactiver. Alors
que le gouvernement encourageait la croissance économique et la mise
en valeur des régions intérieures, l’économie était
rongée par l’inflation galopante et le déséquilibre
de la balance des paiements. De plus, devant l’échec du programme
pour améliorer la situation des plus démunis, l’Église
catholique multiplia les critiques à l’égard du gouvernement.
La contestation se faisait donc de plus en plus vive dans le pays.
C’est dans ce contexte que le général Ernest Geisel, président
de Petrobras, société pétrolière nationalisée,
accéda au pouvoir en 1974. Il commença par établir une
politique plutôt libérale en desserrant la censure sur la presse
et en permettant aux partis d’opposition de reprendre une activité
politique légale. Mais ces mesures furent en partie annulées en
1976 et en 1977. En 1979, un autre militaire, João Baptista de Oliveira
Figueiredo, succéda à Geisel.
10 Retour au pouvoir civil
Ce fut finalement en 1985 que fut élu le premier président civil
brésilien depuis vingt et un ans, Tancredo Neves. Mais il mourut avant
d’entrer en fonction. Le vice-président José Sarney le remplaça.
Confronté à un retour de l’inflation et à une dette
extérieure considérable, Sarney imposa un programme d’austérité
comprenant l’émission d’une nouvelle monnaie, le cruzado.
Pour affermir la démocratie, une nouvelle constitution entra en vigueur
en octobre 1988. C’est dans le cadre de cette nouvelle constitution prévoyant
l’élection du président au suffrage direct que fut élu,
en décembre 1989, Fernando Collor de Mello, candidat du Parti conservateur
de reconstruction nationale. Les mesures drastiques de lutte qu’il prit
contre l’inflation provoquèrent une des plus graves récessions
que le Brésil ait jamais connues en une décennie. Par ailleurs,
des accusations de plus en plus précises de corruption commencèrent
à être lancées à l’encontre du président
Collor. Elles eurent raison du peu de popularité qui lui restait. En
juin 1992, le Brésil accueillit plus d’une centaine de chefs d’État
dans le cadre de la conférence des Nations unies sur l’environnement
et le développement, plus connue sous le nom de « Sommet de la
Terre ». Ce succès diplomatique n’empêcha pas la Chambre
des députés d’entamer une procédure de destitution
à l’encontre de Collor. Le vice-président Itamar Franco
fut chargé d’assurer l’intérim. Tous recours épuisés,
Collor finit par démissionner le 29 décembre 1992. Franco fut
alors officiellement investi comme président du Brésil. Il continua
à lutter contre l’inflation, en particulier avec, en avril 1994,
un plan de restructuration et de réduction de la dette extérieure
du pays. C’est également dans ce cadre que fut introduite, en juillet
1994, une nouvelle monnaie, le réal, en remplacement du cruzado mis à
mal par l’inflation. À la fin de 1994, l’élection
présidentielle vit la victoire de Fernando Henrique Cardoso qui prit
ses fonctions le 1er janvier 1995. Dès son arrivée au pouvoir,
son gouvernement annonça son intention de réformer les systèmes
de sécurité sociale et fiscal du pays et de poursuivre la politique
de lutte contre l’inflation. Celle-ci semblait, en 1995, partiellement
jugulée, mais le coût social de cette réussite était
très élevé. Malgré son réel décollage
économique, le Brésil connaît encore des poches de pauvreté
considérables. Le choléra est entré dans la vie quotidienne
des plus pauvres. Et, sous-équipé, le Nordeste a souffert, ces
dernières années, de la plus importante sécheresse qui
ait frappé la région en quarante ans, signe des multiples déséquilibres
dont souffre le pays.
En 1997, le Brésil réalisait un nombre croissant d’échanges
avec les pays adhérents au Mercosur. Et s’il a connu une stabilisation
de son économie (croissance à 3,6 p. 100, arrêt de l’inflation,
développement du marché intérieur, augmentation des investissements
étrangers, etc.), plusieurs indices en révèlent la fragilité
(augmentation de la dette interne et déficit commercial, deux fois plus
d’importation en trois ans, surévaluation du real par rapport au
dollar). Les réformes engagées par le gouvernement afin d’assainir
la situation (réforme budgétaire, réduction des dépenses
publiques, etc.) ne donnèrent pas les résultats escomptés.
L’accélération des privatisations rendue nécessaire,
afin d’éviter une crise du système bancaire, rencontra l’opposition
des syndicats, de la gauche radicale, de José Sarney et de généraux
nostalgiques.
Le coût social élevé de cette situation qui provoqua nombre
de licenciements, aggrava les disparités entre les États de la
fédération et fut génératrice de la recrudescence
de la violence urbaine. Sur le plan politique, le parti du président
F. H. Cardoso, le Parti de la social-démocratie brésilienne, subit
un revers aux élections municipales (automne 1996). Toutefois, grâce
à l’amendement qu’il fit adopter, lui permettant de briguer
un second mandat de quatre ans, Cardoso apparaît en bonne position pour
poursuivre son action à la tête de l’État brésilien.
Par ailleurs plus de 30 000 km2 de la forêt amazonienne dans l’État
du Roraima ont été dévastés, en février et
mars 1998, par des incendies dus à de fortes sécheresses causées
par El Niño et à l’imprudence des propriétaires terriens
et des paysans recourant au système du brûlis. Ces incendies ont
des conséquences dramatiques pour les Indiens Yanomamis et les petits
paysans menacés par la famine.
En octobre 1998, le président Fernando Henrique Cardoso est réélu
avec près de 54 p. 100 des suffrages, contre moins de 32 p. 100 pour
son adversaire Luis Inácio da Silva (dit Lula), leader du Parti des travailleurs
(PT). Il a annoncé son intention de poursuivre son programme d’austérité
et a adopté, en accord avec le FMI, un plan de rigueur pour assainir
les finances publiques. Cependant la crise financière asiatique et russe
a touché le Brésil, malgré l’intervention du FMI.
Elle a provoqué l’effondrement de la Bourse (chutes en cascades
entre août 1998 et le premier trimestre 1999) et la récession.
Une dévaluation du real la mi-janvier a été suivie par
la décision par le gouvernement de laisser flotter librement la monnaie
pour la première fois depuis l’instauration du real en 1994. Il
en est résulté une augmentation du chômage. Cette crise
financière a ébranlé l’économie brésilienne
et déstabilisé celle de ses voisins, notamment l’Argentine.