IV - HISTOIRE
bresil_drapeau

1 Explorateurs européens et premiers colons

2 Pouvoir espagnol et incursions hollandaises

3 Rétablissement du pouvoir portugais

4 Le séjour de la cour du Portugal

5 L'Empire brésilien

6 La première république

A Fonseca et Peixoto
B La crise économique

7 Le gouvernement Vargas

A L'Estado Novo
B Le gouvernement Dutra
C Second mandat présidentiel de Vargas

8 Les présidences Kubitschek, Quadros et Goulart

9 Les militaires au pouvoir

10 Retour au pouvoir civil

Les premiers habitants de l’actuel Brésil furent les Indiens Arawak et Caribes, au nord, les Tupí-Guarani, sur la côte est et le bassin amazonien, les Ge, installés dans les régions orientales et méridionales du pays, et les Pano, à l’ouest. La plupart de ces tribus étaient semi-nomades et vivaient de chasse, de cueillette et d’une agriculture primaire. Les peuples des régions les plus reculées ont conservé leur mode de vie et leurs traditions jusqu’à nos jours, alors que leur existence est désormais menacée par l’avancée du front pionnier à travers la forêt amazonienne.

1 Explorateurs européens et premiers colons
Le premier explorateur européen fut le navigateur espagnol Vicente Yáñez Pinzón. Après sa traversée transatlantique, il toucha terre près du site de l’actuelle Recife, le 26 janvier 1500. Il navigua ensuite le long de la côte, vers le nord, jusqu’à l’embouchure du fleuve Orénoque. Cependant, en vertu des décisions du traité de Tordessillas (1494), qui modifiait la ligne de partage instaurée en 1493 par le pape Alexandre VI pour délimiter les empires portugais et espagnol, le nouveau territoire fut attribué au Portugal. L’Espagne ne revendiqua donc pas la découverte de Pinzón. En avril 1500, le navigateur portugais Pedro Álvares Cabral atteignit lui aussi les côtes brésiliennes. Il proclama officiellement la région possession du Portugal. Le territoire fut nommé Terra da Vera Cruz (en portugais, « Terre de la Vraie Croix »). En 1501, le navigateur italien Amerigo Vespucci mena une expédition sur ce nouveau territoire à l’instigation du gouvernement portugais. Au cours de ses explorations, Vespucci reconnut et baptisa nombre de caps et de baies, dont celle de Rio de Janeiro. Il revint au Portugal avec du brésillet (bois de Pernambouc qui fournit une teinture rouge). La Terra da Vera Cruz prit, à partir de cette date, le nom de Brésil.
En 1530, le roi du Portugal, Jean III le Pieux, entreprit un programme de colonisation systématique du Brésil. Sa première décision fut de diviser le territoire en 15 districts, appelés capitaineries, confiés à perpétuité aux notables de la cour du Portugal, désignés sous le nom de donatarios, et investis d’immenses pouvoirs sur leurs domaines. Mais la France, intéressée par ce nouveau territoire, tenta de s’en emparer. Les fréquentes incursions françaises et la menace qu’elles constituaient pour cette possession de la Couronne portugaise incitèrent finalement le roi Jean à révoquer l’essentiel des pouvoirs des donatarios et à placer le Brésil sous l’autorité d’un gouverneur général. Le premier, Thomé de Souza, arrivé au Brésil en 1549, mit sur pied un gouvernement central dont la capitale fut fixée dans la nouvelle cité de Salvador de Bahia. Il réforma complètement l’administration et la justice. Pour protéger le pays de la menace française, il établit un système de défense côtière. L’importation de nombreux esclaves africains permit de pallier la pénurie de main-d’œuvre locale. C’est durant cette période, en 1554 exactement, que fut fondée au sud du pays la ville de São Paulo.
L’année suivante, en 1555, les Français tentèrent de s’installer en établissant une colonie sur les rives de la baie de Rio de Janeiro. En 1560, les Portugais détruisirent cette colonie et créèrent, en 1567, la cité de Rio de Janeiro.

2 Pouvoir espagnol et incursions hollandaises
En 1580, Philippe II, roi d’Espagne, hérita de la couronne du Portugal. Cette période d’union des deux royaumes, jusqu’en 1640, fut marquée par de fréquentes agressions anglaises et hollandaises contre le Brésil. Ainsi, en 1624, une flotte hollandaise s’empara de Bahia. Mais l’année suivante, la ville fut reprise par une armée composée d’Espagnols, de Portugais et d’Indiens. Les Hollandais reprirent leurs attaques en 1630. À cette occasion, une expédition subventionnée par la Compagnie hollandaise des Indes occidentales prit Pernambuco, l’actuelle Recife, et Olinda. Les territoires compris entre l’île de Maranhão et la zone en aval du São Francisco tombèrent ainsi aux mains des Hollandais. Sous la compétente autorité de Jean-Maurice de Nassau-Siegen, la partie du Brésil occupée par les Hollandais prospéra durant plusieurs années. Mais en 1644, Nassau-Siegen démissionna pour protester contre l’exploitation menée par la Compagnie hollandaise des Indes occidentales. Peu après son départ, les colons portugais, soutenus par le Portugal, redevenu indépendant de l’Espagne en 1640, se rebellèrent contre le pouvoir hollandais. En 1654, au bout de dix années de luttes, les Pays-Bas capitulèrent et, en 1661, ils renoncèrent officiellement à leurs revendications territoriales sur le Brésil.

3 Rétablissement du pouvoir portugais
En 1640, après la rupture de l’union entre les deux couronnes d’Espagne et de Portugal, le Brésil repassa donc sous la souveraineté portugaise et devint une vice-royauté. Espagnols et Portugais vécurent alors pacifiquement en Amérique du Sud jusqu’en 1680, date d’une expédition portugaise au sud de la rive orientale du Rio de la Plata où ils fondèrent une colonie. Ce fut la cause d’une longue série de troubles qui ne s’acheva véritablement qu’en 1828 avec la création de la république d’Uruguay.
L’expansion brésilienne vers le sud avait été précédée par une forte pénétration des terres intérieures. Dès le début du XVIIe siècle, des missionnaires jésuites firent des incursions en Amazonie. Dans la première moitié du siècle, des Paulistas (habitants de São Paulo) avaient atteint les terres en amont du Paraná. Mais ces expéditions n’ayant d’autre but que d’asservir les Indiens, elles rencontrèrent une vive opposition de la part des jésuites. Soutenus par la couronne du Portugal dans leur œuvre protectrice et religieuse, ils finirent par triompher. Par la suite, bon nombre de Paulistas devinrent prospecteurs et se lancèrent fiévreusement à la recherche de minerais précieux. En 1693, de riches gisements aurifères furent découverts dans l’actuelle région du Minas Gerais. La ruée vers l’or qui s’ensuivit fit venir des dizaines de milliers de colons portugais au Brésil. La croissance économique fut accélérée par la découverte de diamants en 1721 puis, peu après, par l’essor grandissant des cultures de canne à sucre et de café.
En 1750, le traité de Madrid entre l’Espagne et le Portugal entérina les revendications brésiliennes sur un vaste territoire à l’ouest des limites définies autrefois par le traité de Tordesillas. Le traité de Madrid fut annulé par la suite, mais ses principes furent repris et appliqués dans le cadre du traité d’Ildefonso signé en 1777.
Sous le règne du roi Joseph Ier du Portugal, le Brésil connut de nombreuses réformes à l’instigation du marquis de Pombal, secrétaire aux Affaires étrangères et à la Guerre puis Premier ministre. Les esclaves indiens furent affranchis, l’immigration encouragée et les impôts réduits. Pombal atténua le poids du monopole royal sur le commerce international de la vice-royauté, centralisa l’appareil gouvernemental brésilien dont le siège fut transféré de Bahia à Rio de Janeiro en 1763. Trois ans auparavant, en 1760, à l’exemple de ce qu’il avait déjà fait en 1759 au Portugal, Pombal expulsa les jésuites du Brésil. La raison officielle fut le mécontentement populaire suscité par l’influence jésuite chez les Indiens et leur poids grandissant dans l’économie.

4 Le séjour de la cour du Portugal
Les guerres napoléoniennes infléchirent profondément le cours de l’histoire brésilienne. Dès novembre 1807, Napoléon traversa avec son armée la frontière hispano-portugaise. Sans attendre l’arrivée des Français, le prince Jean, régent du Portugal, et la Cour embarquèrent à Lisbonne à destination du Brésil. Le gouvernement royal du Portugal fut donc installé à Rio de Janeiro. Sous l’autorité du régent, des réformes furent mises en œuvre, dont la suppression des restrictions commerciales, l’instauration de mesures en faveur de l’agriculture et de l’industrie, et la création d’établissements d’enseignement supérieur.
En mars 1816, le prince Jean devint roi du Portugal sous le nom de Jean VI le Clément. Sa popularité auprès des Brésiliens s’amenuisa progressivement. La corruption et l’incompétence affectaient le gouvernement royal. En outre, le sentiment républicain, largement répandu à travers le pays après la Révolution française, gagna une audience considérable lorsque les colonies espagnoles voisines devinrent indépendantes. Dès 1816, Jean VI dut intervenir pour occuper la région de la Banda Oriental sous le contrôle des révolutionnaires hispano-américains. L’année suivante, il écrasa un début de révolution à Pernambuco. En 1821, la Banda Oriental fut annexé par le Brésil et reçut le nom de province Cisplatine. La même année, avant de rentrer au Portugal, Jean VI nomma son deuxième fils, Dom Pedro, régent du Brésil. Mais au Portugal, une vive opposition s’était formée contre les réformes entreprises dans la vice-royauté. L’Assemblée portugaise, les Cortes, vota une série de lois destinées à redonner au Brésil son ancien statut de colonie. Dom Pedro fut sommé de rentrer en Europe. En 1822, devant les demandes et l’indignation des Brésiliens, Dom Pedro annonça son refus de quitter le pays. En juin 1822, il fit convoquer une Assemblée constituante. En septembre 1822, alors que des envoyés du Portugal révélaient que les Cortes ne feraient plus aucune concession aux nationalistes, Dom Pedro proclama l’indépendance du Brésil. La même année, un vote de la Haute Chambre de l’Assemblée constituante fit de lui l’empereur du Brésil sous le nom de Pierre Ier. À la fin de 1823, toutes les troupes portugaises stationnées au Brésil durent se rendre au nouveau régime.

5 L'Empire brésilien
Régnant en véritable dictateur, Pierre Ier perdit beaucoup de popularité lors de sa première année au pouvoir. En 1823, à cause de dissensions avec l’Assemblée constituante, il décida de la dissoudre et promulgua une nouvelle constitution en mars 1824. L’année suivante, en 1825, l’Argentine soutint une révolte dans la province Cisplatine. Ce soutien fut considéré par le Brésil comme une provocation et la guerre fut déclarée entre les deux pays. Défaits en 1827, les Brésiliens durent accorder, à l’issue de négociations menées sous la médiation britannique, l’indépendance à la province Cisplatine et à l’Uruguay. La fin des années 1820 vit la montée de l’opposition populaire contre Pierre Ier. En 1831, celui-ci décida finalement d’abdiquer en faveur de Pierre II, son héritier présomptif âgé de 5 ans.
Pendant les dix années qui suivirent, le Brésil fut donc soumis à l’autorité d’une régence marquée par de fréquents soulèvements et révoltes en province. Vers la fin de cette décennie se développa un mouvement populaire en faveur du jeune Pierre II, destiné à le mettre effectivement à la tête du gouvernement. En juillet 1840, le Parlement brésilien proclama la majorité de Pierre II qui put donc prendre la tête de l’État. Il se révéla un des monarques les plus compétents de son époque. Sous son règne, qui dura près d’un demi-siècle, les croissances économique et démographique du pays furent exceptionnelles. La production nationale fut multipliée par 10 et le pays commença à se doter d’un réseau ferroviaire. La politique extérieure du gouvernement impérial était ouvertement hostile aux dictatures voisines. De 1851 à 1852, le Brésil soutint donc la lutte révolutionnaire qui abattit le dictateur argentin Juan Manuel de Rosas. De 1865 à 1870, alliée à l’Argentine et à l’Uruguay, il combattit victorieusement le Paraguay. En politique intérieure, le problème le plus délicat était celui de l’abolition de l’esclavage. En 1853, Pierre II interdit le débarquement d’esclaves noirs. Quelques années plus tard, une campagne en faveur de l’émancipation fut lancée à travers tout le pays. À cette époque, le Brésil comptait 2,5 millions d’esclaves. Les abolitionnistes remportèrent leur première victoire en 1871, lorsque le Parlement approuva une loi affranchissant les enfants nés d’une mère esclave. Les esclaves de plus de 60 ans furent libérés en 1885 et, en mai 1888, tous les autres esclaves furent affranchis. À la même époque, un sentiment républicain se développa dans le pays, notamment en raison des sacrifices endurés lors de la guerre contre le Paraguay. Ces différents facteurs conduisirent à l’instauration de la première république.

6 La première république
Instituée sans compensation pour les maîtres, l’abolition de l’esclavage provoqua la rupture entre les puissants propriétaires fonciers et le gouvernement. Pierre II devait également affronter l’hostilité d’une partie du clergé envers sa politique ainsi que l’infidélité cachée de nombreux officiers et la montée du sentiment républicain à travers l’opinion publique.

A Fonseca et Peixoto
En novembre 1889, une révolte militaire dirigée par le général Manuel Deodoro da Fonseca obligea Pierre II à abdiquer. La république fut alors proclamée sous l’autorité d’un gouvernement provisoire dirigé par Fonseca. Aussitôt, un certain nombre de réformes d’inspiration républicaine furent décrétées dont la séparation de l’Église et de l’État. La rédaction d’une constitution fut achevée en juin 1890. Inspirée par la Constitution des États-Unis, elle fut adoptée en février 1891, faisant du Brésil une République fédérale, sous le titre officiel d’États-Unis du Brésil. Fonseca fut le premier président élu. Les débuts de la jeune République furent marqués par l’agitation politique en raison, notamment, de l’absence de traditions démocratiques du pays. Dès 1891, la politique et les méthodes arbitraires de Fonseca soulevèrent une forte opposition du Congrès. Début novembre 1891, Fonseca choisit de dissoudre l’Assemblée et d’imposer un pouvoir dictatorial. Mais, poussé à démissionner par une révolte de la Marine, il céda le pouvoir à son vice-président, Floriano Peixoto. Celui-ci établit un gouvernement tout aussi dictatorial que celui de son prédécesseur. Il survécut néanmoins à des révoltes de l’armée en 1893 et 1894, ainsi qu’à une série d’insurrections dans le sud du pays.

brasil small
Cliquez ici pour l'agrandir (924ko)

B La crise économique
L’ordre ne revint progressivement dans le pays que sous le gouvernement du premier président de la République civil, Prudente José de Moraes Barros. Puis, l’arrivée au pouvoir de Manuel Ferraz de Campos Salles, ancien gouverneur de São Paulo, marqua un nouvel élan de l’économie brésilienne à partir de 1898. Sous l’autorité de ce nouveau président, d’énergiques mesures furent prises pour juguler la crise que traversait alors le Brésil. Campos Salles parvint notamment à renflouer les caisses de l’État grâce à un important emprunt à l’étranger. Cet emprunt, assorti d’importantes garanties de la part du gouvernement brésilien, permit d’assainir la situation financière du pays. Le pays vit son commerce et son industrie se développer. En effet, la production de café et de caoutchouc progressait régulièrement. Le pays semblait destiné à connaître la prospérité, mais la chute du cours du café sur le marché international entre 1906 et 1910 créa de graves déséquilibres dans l’économie brésilienne. La situation se dégrada encore avec la baisse des prix du caoutchouc. Cette crise fut la cause d’une intense agitation politique et sociale, en particulier sous la présidence du conservateur promilitaire Hermes da Fonseca.
Avec la déclaration de la Première Guerre mondiale, l’augmentation de la demande en café, en caoutchouc et en sucre sur les marchés internationaux sortit l’économie brésilienne de ses difficultés. L’année 1914 vit également l’élection, sans opposition réelle, de l’industriel Wenceslau Braz Pereira Gomes. Le Brésil resta neutre au cours des premières années du conflit. Mais les attaques allemandes sur les navires brésiliens tendirent les relations diplomatiques entre les deux pays à partir d’août 1917. En octobre 1917, le Brésil entra en guerre aux côtés des Alliés, contre l’Allemagne. Il expédia des navires sur les zones de combat et contribua à l’effort de guerre par l’envoi massif de nourritures et de matières premières.
Le retour à la paix ne signifia cependant pas le retour à la tranquillité. En 1922, l’amorce d’une crise économique obligea le gouvernement à faire des coupes drastiques dans le budget de l’État. Le mécontentement général déboucha en juillet 1924 sur une large révolte, dont l’épicentre était à São Paulo. La révolte fut matée après six mois d’affrontements par l’armée restée loyale envers le président Artur da Silva Bernardes, élu en 1922. Pour éviter de nouveaux troubles, Bernardes décréta la loi martiale qui resta en vigueur jusqu’à la fin de son mandat. Sous l’administration de son successeur, Washington Lius Pereira de Souza, la crise économique s’aggrava, causant de nombreuses grèves et la propagation d’idées révolutionnaires en matière sociale. En août 1927, le gouvernement décida l’interdiction des grèves.

7 Le gouvernement Vargas
À l’issue de l’élection présidentielle de mars 1930, Julio Prestes, le candidat progouvernemental, fut déclaré vainqueur devant Getúlio Vargas. Ce dernier était un homme politique de premier plan, fervent nationaliste, originaire de l’État de Rio Grande do Sul. Il disposait du soutien d’une grande majorité de l’armée et de la classe politique. En octobre 1930, il déclencha un coup d’État. Après trois semaines de combats, Vargas fut désigné président provisoire, avec de très larges pouvoirs.
Dans le but de réduire la crise économique, Vargas entreprit de diminuer la production de café et d’acheter, afin de les faire détruire, les excédents stockés. Ces dépenses renforcèrent les problèmes financiers du gouvernement et le Brésil fut dans l’incapacité de faire face à sa dette extérieure. L’année suivante, en 1932, le régime de Vargas réprima une large rébellion à São Paulo après près de trois mois de combats intenses. En 1933, Vargas entreprit de doter le pays d’une nouvelle constitution en convoquant une Assemblée constituante. Le nouveau texte, adopté en 1934, prévoyait notamment le droit de vote des femmes, la sécurité sociale pour les travailleurs et l’élection du président par le Congrès. Le 17 juillet 1934, Vargas fut élu officiellement président.
Au cours de la première année de son mandat constitutionnel, Vargas rencontra une forte opposition de la part de l’aile gauche du Mouvement des travailleurs brésiliens. En novembre 1935, des tentatives de révoltes communistes furent déjouées à Pernambuco et à Rio de Janeiro. La loi martiale fut instaurée et Vargas gouverna par décrets présidentiels. Pour réduire la force de l’opposition, de grandes vagues d’arrestations d’opposants au gouvernement eurent lieu. Le mécontentement populaire devint particulièrement fort lorsque le jeune parti pronazi Integralista gagna la faveur d’une large partie de la classe moyenne du pays. Bientôt toute l’activité antigouvernementale fut centralisée autour de ce parti. En novembre 1937, à la veille de l’élection présidentielle, Vargas fit dissoudre le Congrès et proclama une nouvelle constitution lui conférant un pouvoir absolu. Il réorganisa le gouvernement et l’administration du pays à l’exemple des régimes totalitaires italien et allemand. Les partis politiques furent interdits, la presse et la correspondance furent soumises à une étroite censure.

A L’Estado Novo
Le gouvernement de Vargas, officiellement désigné par le titre d’Estado Novo (« l’État nouveau »), devait rester au pouvoir jusqu’à ce que soit décidée la date d’un référendum sur de nouvelles lois organiques. Cette date ne fut en réalité jamais fixée. Vargas obtint l’assentiment d’une large partie de la population grâce à une série de décrets assurant plus de prestations sociales aux ouvriers des plantations. La seule menace sérieuse contre son autorité vint de l’Integralista dont les partisans organisèrent un soulèvement en 1938. Quelques heures suffirent à écraser la rébellion.
En dépit du caractère totalitaire de son régime, Vargas entretenait d’amicales relations avec les démocraties. Son gouvernement était ouvertement hostile au Troisième Reich, notamment en raison de l’activité d’espionnage nazie au Brésil. Lorsque la preuve de la complicité nazie dans la révolte de l’Integralista fut apportée, Vargas imposa de sévères restrictions aux ressortissants allemands installés au Brésil. Cette mésentente conduisit à une rupture temporaire des relations diplomatiques entre les deux pays en octobre 1938.
La tentative de normalisation des relations fut entravée par le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Soutenu par les États-Unis, le régime de Vargas s’engagea aux côtés des Alliés. La contribution brésilienne au conflit fut avant tout économique : un vaste programme d’expansion industrielle permit d’augmenter la production de caoutchouc et des autres matériels de guerre vitaux. Des bases navales et aériennes furent construites sur les points stratégiques de la côte brésilienne. Elles devinrent d’importants centres de la guerre anti-sous-marine pour les Alliés. Progressivement, la flotte brésilienne se vit confier la conduite des missions de patrouille dans l’Atlantique Sud. En 1944 et 1945, un corps expéditionnaire brésilien prit part à la campagne alliée en Italie.
Mais pendant ce temps, les manifestations de mécontentement à l’égard de Vargas se multipliaient. À la suite d’un défi lancé en février 1945 par un groupe d’éditeurs, le gouvernement accepta d’assouplir la censure sur la presse. Le 28 février 1945 fut annoncée la tenue d’élections présidentielle et législatives. Peu à peu, les principales entraves à l’activité politique furent levées. En avril 1945, tous les prisonniers politiques, y compris les communistes, furent amnistiés.

B Le gouvernement Dutra
Pendant la campagne électorale, une série de décrets-lois impopulaires fit craindre que Vargas ne veuille rétablir la dictature. En octobre 1945, un coup d’État militaire l’obligea finalement à démissionner. José Linhares, premier magistrat de la Cour suprême, fut nommé président provisoire dans l’attente des élections. Celle-ci eurent lieu en décembre 1945. Elles donnèrent une large victoire à l’ancien ministre de la guerre, Eurico Gaspar Dutra. Il entra en fonction en janvier 1946. Les députés nouvellement élus furent chargés de rédiger la nouvelle constitution, adoptée en septembre 1946.
Dans le climat de guerre froide qui s’instaura dans les relations internationales au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le Brésil se rangea au côté des États-Unis. Au cours de l’été 1947 se tint la conférence internationale panaméricaine pour le maintien de la paix et de la sécurité, qui déboucha sur le traité de Rio. Ratifié par le Brésil dès septembre 1947, il prévoyait notamment l’union des pays signataires face à toute agression armée dirigée contre une nation occidentale. En octobre 1947, agacé par un article d’un magazine soviétique présentant le président Dutra comme le jouet des États-Unis, le gouvernement brésilien rompit ses relations diplomatiques avec l’URSS. Quelques mois plus tard, le Congrès décida de chasser de leur poste tous les communistes ayant un mandat électoral. La mesure toucha un sénateur et quatorze députés.

C Second mandat présidentiel de Vargas
Getúlio Vargas retrouva la présidence du Brésil en janvier 1951 à la suite des élections tenues en octobre précédent. Il forma un gouvernement de coalition avec les grands partis. Aussitôt en fonction, ce gouvernement prit des mesures pour équilibrer le budget de l’État et mettre en place un programme de réduction de l’inflation, d’augmentation des salaires et d’extension des réformes sociales. Ces décisions contradictoires n’empêchèrent pas la croissance de l’inflation. Ces années d’après-guerre furent également marquées par la recrudescence des activités clandestines des communistes et la renaissance du nationalisme qui mena à la nationalisation des gisements pétroliers en septembre 1952. En outre, l’incohérence des mesures économiques, faussement présentées comme une politique d’austérité, déclenchèrent un tollé grandissant dans les milieux conservateurs.
En août 1954, en pleine campagne électorale législative, un officier de l’armée de l’air trouva la mort dans un attentat dirigé contre un directeur de presse anti-Vargas. Cette mort amena l’armée à exiger la démission de Vargas. Le 24 août, Vargas accepta de laisser provisoirement le pouvoir au vice-président João Café Filho, avant de se suicider quelques heures plus tard.

8 Les présidences Kubitschek, Quadros et Goulart
L’ancien gouverneur du Minas Gerais, Juscelino Kubitschek, réunissait le soutien des partisans de Vargas et des communistes, ce qui lui permit de remporter l’élection présidentielle d’octobre 1955. Sitôt sa prise de fonction, en janvier 1956, il annonça un ambitieux plan quinquennal de développement économique, suivi d’un emprunt auprès de banques américaines, d’un montant supérieur à 150 millions de dollars. C’est également à cette époque que furent approuvés les plans de la future capitale fédérale : Brasilia. La décision de transférer la capitale de la côte vers l’intérieur du pays symbolisait la volonté de rééquilibrer les régions entre elles et de valoriser les régions enclavées. Le pays connut une intense croissance industrielle. En effet, sous l’impulsion des autorités, le Brésil commençait à renforcer son tissu industriel afin d’être moins dépendant des cours des matières premières. L’idée était de substituer progressivement aux importations de biens manufacturés des productions locales. Cependant, ce début de croissance fut tempéré par la chute des prix mondiaux du café dans la deuxième moitié des années cinquante, montrant combien le Brésil restait alors encore soumis aux variations des prix des matières premières. L’inflation ne ralentissant pas, le mécontentement social donna lieu à de fréquentes émeutes et grèves des ouvriers ou des étudiants.
Jânio da Silva Quadros, ancien gouverneur de São Paulo, devint président du Brésil en janvier 1961. Il entreprit aussitôt une politique d’austérité économique. Tous les ministres reçurent l’ordre de réduire les dépenses de leurs ministères de 30 p. 100 et des fonctionnaires peu qualifiés furent licenciés. Quadros tenta également d’éliminer la corruption que l’on disait importante du temps de Kubitschek. Puis, sans autre explication que l’évocation imprécise de « forces de la réaction » entravant ses efforts, Quadros démissionna en août 1961. Son vice-président João Goulart lui succéda. Mais cette succession ne se fit pas sans difficulté. Les militaires commencèrent par s’y opposer, accusant Goulart d’avoir de la sympathie pour le régime castriste cubain. Un compromis fut toutefois trouvé. La Constitution fut amendée de façon à confisquer la plupart des pouvoirs exécutifs du Président en faveur du Premier ministre et du gouvernement, responsables devant le Congrès. Goulart put entrer en fonction en septembre 1961. Une année plus tard, il provoqua une grave crise gouvernementale en demandant l’organisation d’un référendum destiné à évaluer les possibilités de retour à un régime de type présidentiel. La proposition fut acceptée, et, en janvier 1963, le Congrès officialisa le résultat par une loi. Au cours de cette même année, Goulart fit pression sur le Congrès pour faire approuver un programme de réformes. Dès le début de 1964, il signa des décrets instaurant le contrôle des loyers bon marché, la nationalisation des raffineries de pétrole, l’expropriation des terres non cultivées et la restriction des transferts de bénéfices à destination de l’étranger. Au mois de mars 1964, quelques jours après s’être montré dans un meeting ouvrier, Goulart était renversé par un coup d’État militaire et devait fuir en Uruguay. Le chef d’état-major de l’armée, le général Humberto Castelo Branco devenait président de la République.

9 Les militaires au pouvoir
Les militaires prirent soin, dès le mois d’avril, de rédiger une nouvelle Loi institutionnelle. Cette loi donnait d’immenses pouvoirs au nouveau régime et supprimait l’opposition, en particulier des partis de gauche. Le nouveau pouvoir adopta des versions modérées des réformes économiques proposées par Goulart et entreprit de combattre l’inflation notamment par le contrôle des salaires et le renforcement de la fiscalité. En 1965, une loi réduisit les libertés civiles, augmenta le pouvoir du gouvernement et confia au Congrès le soin de désigner le président et le vice-président.
En 1966, l’ancien ministre de la Guerre, le maréchal Artur da Costa E Silva, candidat du parti gouvernemental l’Arena (parti de la renaissance nationale), fut désigné président. Le Mouvement démocratique brésilien, seul parti d’opposition toléré, avait refusé de présenter un candidat en réaction à la privation des droits électoraux des adversaires les plus farouches du gouvernement militaire. L’Arena remporta également les élections législatives fédérales de 1966. À la tête d’un gouvernement promilitaire, Costa se préoccupa surtout de la croissance économique du pays. En décembre 1968, tirant les conséquences de l’agitation sociale et politique, Costa se donna des pouvoirs illimités et put ainsi effectuer des purges politiques, des coupes sombres dans l’économie et imposer la censure. En août 1969, il fut frappé par une attaque cérébrale. Les militaires choisirent le général Emilio Garrastazú Médici pour lui succéder, choix approuvé par le Congrès. Médici choisit d’intensifier la répression contre l’opposition, ce qui ne manqua pas de la réactiver. Alors que le gouvernement encourageait la croissance économique et la mise en valeur des régions intérieures, l’économie était rongée par l’inflation galopante et le déséquilibre de la balance des paiements. De plus, devant l’échec du programme pour améliorer la situation des plus démunis, l’Église catholique multiplia les critiques à l’égard du gouvernement. La contestation se faisait donc de plus en plus vive dans le pays.
C’est dans ce contexte que le général Ernest Geisel, président de Petrobras, société pétrolière nationalisée, accéda au pouvoir en 1974. Il commença par établir une politique plutôt libérale en desserrant la censure sur la presse et en permettant aux partis d’opposition de reprendre une activité politique légale. Mais ces mesures furent en partie annulées en 1976 et en 1977. En 1979, un autre militaire, João Baptista de Oliveira Figueiredo, succéda à Geisel.

10 Retour au pouvoir civil
Ce fut finalement en 1985 que fut élu le premier président civil brésilien depuis vingt et un ans, Tancredo Neves. Mais il mourut avant d’entrer en fonction. Le vice-président José Sarney le remplaça. Confronté à un retour de l’inflation et à une dette extérieure considérable, Sarney imposa un programme d’austérité comprenant l’émission d’une nouvelle monnaie, le cruzado. Pour affermir la démocratie, une nouvelle constitution entra en vigueur en octobre 1988. C’est dans le cadre de cette nouvelle constitution prévoyant l’élection du président au suffrage direct que fut élu, en décembre 1989, Fernando Collor de Mello, candidat du Parti conservateur de reconstruction nationale. Les mesures drastiques de lutte qu’il prit contre l’inflation provoquèrent une des plus graves récessions que le Brésil ait jamais connues en une décennie. Par ailleurs, des accusations de plus en plus précises de corruption commencèrent à être lancées à l’encontre du président Collor. Elles eurent raison du peu de popularité qui lui restait. En juin 1992, le Brésil accueillit plus d’une centaine de chefs d’État dans le cadre de la conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement, plus connue sous le nom de « Sommet de la Terre ». Ce succès diplomatique n’empêcha pas la Chambre des députés d’entamer une procédure de destitution à l’encontre de Collor. Le vice-président Itamar Franco fut chargé d’assurer l’intérim. Tous recours épuisés, Collor finit par démissionner le 29 décembre 1992. Franco fut alors officiellement investi comme président du Brésil. Il continua à lutter contre l’inflation, en particulier avec, en avril 1994, un plan de restructuration et de réduction de la dette extérieure du pays. C’est également dans ce cadre que fut introduite, en juillet 1994, une nouvelle monnaie, le réal, en remplacement du cruzado mis à mal par l’inflation. À la fin de 1994, l’élection présidentielle vit la victoire de Fernando Henrique Cardoso qui prit ses fonctions le 1er janvier 1995. Dès son arrivée au pouvoir, son gouvernement annonça son intention de réformer les systèmes de sécurité sociale et fiscal du pays et de poursuivre la politique de lutte contre l’inflation. Celle-ci semblait, en 1995, partiellement jugulée, mais le coût social de cette réussite était très élevé. Malgré son réel décollage économique, le Brésil connaît encore des poches de pauvreté considérables. Le choléra est entré dans la vie quotidienne des plus pauvres. Et, sous-équipé, le Nordeste a souffert, ces dernières années, de la plus importante sécheresse qui ait frappé la région en quarante ans, signe des multiples déséquilibres dont souffre le pays.
En 1997, le Brésil réalisait un nombre croissant d’échanges avec les pays adhérents au Mercosur. Et s’il a connu une stabilisation de son économie (croissance à 3,6 p. 100, arrêt de l’inflation, développement du marché intérieur, augmentation des investissements étrangers, etc.), plusieurs indices en révèlent la fragilité (augmentation de la dette interne et déficit commercial, deux fois plus d’importation en trois ans, surévaluation du real par rapport au dollar). Les réformes engagées par le gouvernement afin d’assainir la situation (réforme budgétaire, réduction des dépenses publiques, etc.) ne donnèrent pas les résultats escomptés. L’accélération des privatisations rendue nécessaire, afin d’éviter une crise du système bancaire, rencontra l’opposition des syndicats, de la gauche radicale, de José Sarney et de généraux nostalgiques.
Le coût social élevé de cette situation qui provoqua nombre de licenciements, aggrava les disparités entre les États de la fédération et fut génératrice de la recrudescence de la violence urbaine. Sur le plan politique, le parti du président F. H. Cardoso, le Parti de la social-démocratie brésilienne, subit un revers aux élections municipales (automne 1996). Toutefois, grâce à l’amendement qu’il fit adopter, lui permettant de briguer un second mandat de quatre ans, Cardoso apparaît en bonne position pour poursuivre son action à la tête de l’État brésilien. Par ailleurs plus de 30 000 km2 de la forêt amazonienne dans l’État du Roraima ont été dévastés, en février et mars 1998, par des incendies dus à de fortes sécheresses causées par El Niño et à l’imprudence des propriétaires terriens et des paysans recourant au système du brûlis. Ces incendies ont des conséquences dramatiques pour les Indiens Yanomamis et les petits paysans menacés par la famine.
En octobre 1998, le président Fernando Henrique Cardoso est réélu avec près de 54 p. 100 des suffrages, contre moins de 32 p. 100 pour son adversaire Luis Inácio da Silva (dit Lula), leader du Parti des travailleurs (PT). Il a annoncé son intention de poursuivre son programme d’austérité et a adopté, en accord avec le FMI, un plan de rigueur pour assainir les finances publiques. Cependant la crise financière asiatique et russe a touché le Brésil, malgré l’intervention du FMI. Elle a provoqué l’effondrement de la Bourse (chutes en cascades entre août 1998 et le premier trimestre 1999) et la récession. Une dévaluation du real la mi-janvier a été suivie par la décision par le gouvernement de laisser flotter librement la monnaie pour la première fois depuis l’instauration du real en 1994. Il en est résulté une augmentation du chômage. Cette crise financière a ébranlé l’économie brésilienne et déstabilisé celle de ses voisins, notamment l’Argentine.

Retour Index

Brésil

Précedent : III - Economie